De Catane à Corfou

En ce 2 juin, il y a du changement dans le » rôle » de l’équipage (sa composition) : Nadine rentre chez sa fille Sandrine pour une dizaine de jours ; afin notamment d’être présente pour l’anniversaire de sa petite-fille Clara : deux ans déjà ….

Superbe fête et belle complicité entre les 3 générations

Pendant ce temps, Yamas continuera sa route grâce au renfort de Yves , le papa d’Alexandra.

André et Yves sont donc les 2 beau-pères de Xavier…, très beaux et très pépères...

Pendant 2 jours, Yves découvre les aspects essentiels de la vie à bord ; il est émerveillé du bon état intérieur et extérieur du bateau et admire les subtilités de son utilisation ; il a jusque maintenant une bonne expérience de navigation en Espagne sur un voilier de 8m ; et là, c’est le double…, avec beaucoup de matériels et de techniques à découvrir.

  Sacré challenge,,,, Bravo Yves de te lancer ainsi dans une pareille aventure...

(et en prime, c'est un excellent bricoleur, qui va laisser sa patte dans Yamas pour longtemps ; déjà un tout grand MERCI à toi, Yves).

Catane est , comme vous le savez certainement , une grande ville située à proximité de l’Etna (elle a d’ailleurs été partiellement détruite par une coulée de lave en 1.693) ; elle subit de nombreux tremblements de terre ; les constructions un peu anciennes (avant l’ère du béton) sont faites en pierres très noires, provenant du volcan , ce qui lui donne un aspect un peu austère

Pour les amateurs d’histoire ancienne, il faut signaler que Catane a été fondée en 728 av JC par des colons grecs, en provenance de Chalkis (= Chalkida) , ce qui est la grande ville la plus proche de chez nous à Politika.

 Yamas a trouvé une toute petite place, en bout de ponton, dans le vieux port, encore porteur de vieilles traditions de pêche

Le 4 juin, nous quittons Catane pour Acitrezza, ce n’est pas très loin, à peine une heure de navigation, une bonne mise en train pour Yves ; c’est une localité splendide, lovée dans le flanc de la colline, au bord de la mer, dont la baie et le port sont « protégés » par plusieurs hauts pitons rocheux (lave basaltique) qui semblent surgir de nulle part  ; la légende raconte que c’est ici que Ulysse (celui de Homère, pas notre chien) a aveuglé le cyclope Polyphème avant de fuir avec son voilier, et que fou de douleur et de rage, le cyclope, pourtant aveuglé, a lancé dans sa direction ces énormes roches qui l’ont manqué de peu …

Nous accostons au quai (une « première » pour Yves) car nous espérions pouvoir faire le plein de carburant pour le bateau, mais pas de chance, la « station » est fermée ; pourtant nous sommes lundi …il est 17h, donc la sieste devrait être terminée… Yves se renseigne auprès de pêcheurs : le responsable viendra peut-être demain, on ne sait à quelle heure… ; bon tant pis, nous allons donc voir ailleurs ; nous voici ensuite arrivés une heure et demie plus tard à Riposto , et là la station est bien ouverte ; deuxième accostage pour Yves ; le préposé nous aide et fixe lui-même une petite amarre à lui à un taquet au milieu du bateau ; nous faisons le plein : 360 litres de gasoil (NB la contenance du réservoir est de 600 litres) ; après quoi Yves et moi quittons quelques minutes le bateau pour admirer un énorme voilier accosté pas loin ; quand nous revenons, Yamas ne tient plus que par une seule amarre, par l’avant et est écarté du quai par le vent ; c’est donc que l’amarre fixée (le terme exact est « frappée ») par le préposé a lâché, sans doute mal « frappée » ; Yves et moi essayons de tirer vers nous les 16 tonnes du bateau , ne serait-ce que d’un mètre ; çà y est, je grimpe à bord de manière acrobatique , je me hâte de démarrer le moteur, et ainsi me rapprocher du quai, Ulysse et Yves remontent à bord et nous pouvons « larguer » la seule amarre… Ouf, on a eu chaud…

Nous mouillons l’ancre pas très loin de l’entrée du port , il fait calme et déjà noir… hélas, vers 2h du matin un fort roulis démarre, qui nous réveille et nous empêchera de dormir ensuite…grrrr.

Nous partons très tôt vers Taormine, à 10 milles nautiques (petit rappel : un mille nautique ou NM vaut 1.852 mètres), où nous mouillons, à l’abri du cap Taormina ; mise à l’eau de l’annexe, installation du moteur hors-bord , beaching , autant de « premières » pour notre Yves qui est ravi et enthousiaste de découvrir non seulement un merveilleux bateau, mais aussi de nouvelles techniques, dans un environnement extraordinaire.

Et nous partons à l’assaut de la colline ; en effet cette superbe cité est nichée fort haut sur le flan d’une haute colline, afin de pouvoir se défendre contre les attaques des pirates ; on y admire de superbes demeures ainsi qu’un ancien théâtre gréco-romain , avec vue sur l’Etna , au loin. Cette cité est devenue célèbre à l’époque du romantisme, avec la découverte des ruines antiques, et son paysage merveilleux a attiré là de nombreuses personnalités qui n’ont pas manqué d’y faire construire de splendides demeures (Guillaume II , Edouard VII , Rothschild, Krupp , Goethe, Maupassant, …).  Nous sommes émerveillés , mais aussi bien fatigués par cette chaleur. On s’arrête à un chouette bistro, le long d’un escalier ombragé et on se régale qui d’une bonne bière artisanale , qui d’un bon schweps ; la note était salée : 11 € la bière… mais qu’est-ce qu’elle était bonne à ce moment-là…

Le lendemain, nous quittons la Sicile pour la Calabre ; une longue navigation, il s’agit de traverser le sud du détroit de Messine …Yves s'en donne à coeur joie : c'est lui qui pilote, pendant que je me repose...

Ulysse prend parfois le relais...

…on a une allure de près, le vent vient du nord-est , il forcit progressivement (d’abord 11 nœuds, jusque 22-24 nœuds , autrement dit :  d’abord 4 beaufort, jusque 6 bft) et tout à coup nous nous rendons compte d’un problème avec le génois (la voile d’avant) : il ne tient plus par en haut, et s’affale (descend) tout seul, et une partie se retrouve dans l’eau …. Je décide de laisser continuer le bateau sous pilote automatique; il avance encore bien grâce aux deux autres voiles, je précise bien à Yves qu’il ne faut surtout pas démarrer le moteur (de peur qu’un cordage ne se coince dans l’hélice), puis munis de nos gilets de sécurité, nous allons à l’avant du bateau , avec beaucoup de précautions et nous repêchons la partie de la voile qui trempait dans l’eau, nous terminons l’affalage complet et nous attachons cette voile en désordre le long du bastingage , solidement, mais en nous laissant un passage et un accès à l’annexe ; pas facile tout cela ; quelle émotion…   

le génois est rabanné en vrac le long de la filière

 Une  heure plus tard, le vent est complètement tombé , nous marchons au moteur, puis deux heures après il a tourné et devient arrière (11 noeuds ou 4 bft) .

Youpee, je vais pouvoir établir le spi ; il faut pas mal de préparation (environ 15 minutes), mais le résultat est magnifique ... , aussi bien pour la vue que pour la vitesse  (nous marchons à environ 5 nœuds , autrement dit  5 fois 1.852 mètres à l’heure , soit environ 9 km /h).

le tangon est cette longue pièce métallique qui sert à écarter le point d,écoute de la voile pour recueillir un maximum de vent arrière

Après 12h de navigation (et 70 NM parcourus), nous mouillons l’ancre devant le beau village de Roccella Ionica, en Calabre, qui est « couronné » d’un énorme château dont une partie semble bien habitée. Les bases de ce château remontent à avant 1.270 ; il a eu une fonction défensive suite aux nombreux raids des Sarrasins.

Quant à nous, nous préparons notre débarquement , bien pacifique, en cette fin de journée ; opération annexe (Yves est maintenant quasi rodé) , arrivée sur la plage, un peu mouillés aux fesses ,pas bien grave…

Bonheur d’Ulysse qui peut enfin se soulager et nous voilà en quête d’une taverne ; nous trouvons une toute petite pizzeria bien sympa ; Ulysse attire toujours beaucoup de sympathie, et le patron lui offre  de l’eau et une grande part de sa bonne pizza  ; nous rencontrons aussi là un couple de français qui naviguent en « trawler » (un petit yacht à moteur. À l’origine, c’étaient des navires de pêche reconvertis en navires de plaisance ) ; la sympathie est immédiate entre gens de la mer ; ils vont dans la même direction que nous, et le lendemain, ils nous rattraperont en fonçant avec leurs 300 ch , juste pour se dire bonjour et admirer nos bateaux ; sympa…mais zut, on a oublié de faire une photo.

Après cette chouette étape, nous partons vers Le Castella , 47 NM tout au moteur, faute de vent ; il y a là un splendide château, bien restauré de l’époque aragonaise  ; selon certains chercheurs, l’île de Calypso décrite par Homère, serait située juste à côté du village.

Mais le port de plaisance n’est pas assez profond pour nous (il ya un peu moins que 2 mètres de profondeur à l’entrée, alors que notre bateau a besoin de minimum 2,05 mètres) ; nous accostons donc au port de pêche, entre deux chalutiers, le long du quai ; je suis bien surpris car mon sondeur m’indique 1,90 là où je suis, alors qu’il me semble ne pas avoir touché le fond…bizarre…serait-il mal calibré ?  

 on nous prévient qu’il faudra libérer cette place vers 19h30, car un chalutier reviendra alors, et nous pourrons nous mettre « à couple » d’un autre chalutier qui lui ne bougera pas ; OK , pas de problème , ce sera fait ...

profondeur indiquée par le sondeur : 1,90 mètre

Nous profitons de cette étape, où nous sommes bien amarrés et sans vent  pour résoudre le problème du génois ; avec l’aide de Yves au winch, je monte tout en haut du mât pour attraper la pièce métallique («  l’émerillon ») qui fait la liaison entre la drisse (le cordage vertical) et la voile ; je fais redescendre cet émerillon (qui peut coulisser le long de l’étai) grâce à un long fin cordage et je constate la cause du problème : rupture du cordage entre l’émerillon et l’œillet de la voile  ; rien de très grave, en somme, et la voile n’est absolument pas abîmée ; nouveau cordage, plus costaud et remise en place du génois  ; c’est encore Yves qui mouline au winch ; oh hisse… Attends, je prends le relais, car tu es essoufflé...

Le lendemain, départ très tôt (6h45) , car nous avons une longue traversée à faire : le golfe de Tarente ; 85 NM (157 km) que nous ferons en moins de 14h (arrivée à 20h30), soit une moyenne d’un peu plus de 6 nœuds ; d’abord faible, le vent a bien forci , jusqu’à 20 nœuds (6 bft) , et les creux des vagues sont spectaculaires ( environ 2 mètres) ; pas facile de garder le cap, à chaque lame… 

Le spectacle est fascinant ; le bateau est très rassurant .  Nous sommes bien fatigués à l’arrivée au port de Santa Maria di Leuca (c’est au plus bas du talon aiguille de la botte de l’Italie) , où nous restons deux nuits pour nous reposer.

Il y a ici un très haut phare (102 m d’altitude) remarquable, blanc évidemment (NB Leuca en italien est une « reprise » de leukos, mot grec qui signifie «blanc ») ; c’est le point géographique le plus au sud de la péninsule italienne et également le point de jonction entre la mer Adriatique et la mer Ionienne. C’est une très belle station balnéaire qui a été très chic à la fin du 19° siècle, et qui garde encore pas mal de très belles demeures .

Au port, nous admirons un autre voilier AMEL ; les propriétaires, des Suisses bien sympathiques, m’apprennent qu’il s’agit du modèle SHARKI , qui a 30 ans…il est plus petit, mais superbe ; nous faisons une visite mutuelle des deux bateaux, avec apéro sur Yamas ; chouette rencontre ...

Le 10 juin, nous repartons ; il s’agit maintenant de quitter l’Italie et d’arriver en Grèce ...

 Nous croisons un énorme voilier, à 5 mâts ; il est trop loin pour pouvoir lire son nom ; c'est peut-être le "Club méditerannée" ?

Encore une fois, le vent est de la partie et dans la bonne direction (il vient du nord, alors que nous allons vers l’est) ; d’abord 15 nœuds de vent, il monte à 20 ; nous réduisons la grand voile, mais gardons tout le génois et l’artimon ; nous filons véritablement entre 8 et 9 nœuds , avec parfois des pointes à 10 ….Epatant ; quel bateau…. Nous avons juste un petit souci avec la grand voile, au niveau de la poulie d’entraînement ; la solution est peut-être dans le remplacement du cordage d’amure ; à réfléchir encore un peu…

Nous arrivons à une petite île au nord de l’île de Corfou , c’est Ericousa, où j’espérais trouver une place dans le port , mais il semble que c’est complet, notamment parce que un grand navire militaire occupe une grande partie du quai .

Bon pas bien grave, on va donc mouiller l’ancre ; on a l’habitude, maintenant, avec Yves ; allez Yves, au winch , il faut encore mouliner pour pouvoir utiliser l’annexe (et non la « dépendance ») : oh hisse…

Je me sens tout guilleret de me retrouver en Grèce , l’impression de rentrer chez moi , et bien impatient de déguster un premier ouzo ; les cerises, c'est bon, aussi....

Le lendemain matin , branle-bas de combat : le bâtiment militaire commence à quitter son quai et oblige 5-6 voiliers au mouillage à dégager ; il est 5h du matin…. Par chance Yamas n’est pas dans son chemin, et nous pouvons rester tranquilles (mais un peu gênés par ses gaz d’échappement ).

Une petite virée à terre pour Ulysse, et nous voilà repartis vers Corfou (ou Kerkyra) ; l’avion de Nadine atterrit vers 12h, elle nous donne RV au « vieux port » de Corfou et savez-vous quoi, elle est bien là, fidèle au poste, et a pu me garder une place, et extraordinaire, juste à côté des sympathiques Suisses, Gianfranco et Ester ; de belles retrouvailles pour moi : d’abord avec Nadine bien sûr, puis avec ces nouveaux copains de navigation.

Mais le plus exubérant était bien sûr Ulysse qui a retrouvé comme par enchantement sa maîtresse chérie après 10 jours de séparation… Tout de suite Nadine remarque qu’il a maigri…Pas grave, on va le remplumer…

Le seul qui ne nage pas dans le bonheur, c’est Yves, parce que c’est son dernier jour de navigation sur Yamas ; mais ce n’est qu’un au-revoir, sans doute…Yves, tu as été un très bon mousse, sérieux, appliqué, vigilant (parfois aussi un peu distrait, mais bon, moi aussi…) et je suis certain que tu as appris énormément ; c’est une chouette expérience de vivre ainsi si proches pendant 10 jours et de partager des moments intenses au jour le jour… MERCI A TOI.